Voici le début du Carême qui offre un temps propice à la méditation sur soi et sur le monde. Prendre quelques minutes de pause chaque jour pour rencontrer notre réalité, nos forces, nos fragilités peut aider à approfondir le sens que l’on veut donner à sa vie.
22/02/23
« Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». (Mt 6, 1-6. 16-18)
Dans notre société de consommation, nous sommes fringants de tout ce qui alimente le paraître, la volonté d’être vu, que ce soient sur les réseaux sociaux ou dans la réalité, être identifié par des actions d’éclat… Et dans cette course à la célébrité, dans le fait de me soucier de ce que les autres pensent de moi, je finis par m’oublier et par perdre de vue la finalité de ma vie. Dans cette prise de conscience, il me faut me retirer à l’écart et prendre le temps de méditer sur ce qui réellement fonde ma vie et ma foi.
23/02/23
« Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. » (Dt 30, 15-20)
Le Pape François nous dit : « Etre heureux, c’est reconnaître que la vie vaut d’être vécue, malgré tous les défis, la tristesse, les malentendus et les périodes de crise émotionnelle et économique. Etre heureux n’est pas un destin, mais une conquête pour ceux qui savent voyager dans leur propre être ». Prenons donc le temps de reconnaître ce qui, aujourd’hui, nous rend heureux et ce qui est encore source de frein à ce bonheur.
24/02/23
« Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim » (Is 58, 1-9a)
On pense souvent cette période de Carême comme une période de renoncement. Jeûner, se priver de choses qui, habituellement, nous font plaisir, éviter des éclats de colère… Et si, plutôt que de cultiver le renoncement, nous cherchions à réaliser des choses positives durant cette période de Carême, c’est-à-dire à donner du plus plutôt que d’enlever quelque chose. Repérons tous les dons et les qualités que nous avons reçus et réfléchissons à comment les valoriser, comment faire pour qu’ils deviennent don pour les personnes rencontrées.
25/02/23
« Lévi donna pour Jésus une grande réception dans sa maison ; il y avait là une foule nombreuse de publicains et d’autres gens attablés avec eux. Les pharisiens et les scribes de leur parti récriminaient en disant à ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus leur répondit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. » (Lc 5, 27-32)
On peut se poser ici la question du mérite. Qui mérite quoi et à quelle condition devient-on méritant ? Et qui a le droit de juger du mérite de l’un ou de l’autre ? Dans certaines de nos églises où la rigidité du cérémoniel exclut toute possibilité de convivialité, de partage, des personnes nous disent ne pas se sentir accueillies. Elles ont l’impression que le rituel l’emporte sur le recueillement et devient bâton de justice pour les « bons » et les « mauvais » comportements. C’est en quelque sorte l’obéissance aux rituels qui ferait de vous des méritants ou non. Nous sommes loin de cette église « hôpital de campagne » dont rêve le Pape François. Et nous-mêmes, de quelle Eglise rêvons-nous ? Et comment souhaitons-nous la voir vivre et la faire vivre ?
26/02/23
« Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé. Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » (Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a)
Convoitise et jalousie sont autant de chaînes qui nous entravent dans notre liberté. Elles créent en nous peurs, doutes, frustration, sentiment de manque. Elles nous trompent comme furent trompés Adam et Eve lorsqu’ils ont tenté de s’approprier « l’arbre de vie », croyant que leur bonheur passait impérativement par cette appropriation. Et nous, n’avons-nous pas parfois l’impression d’être interdit de bonheur du fait des autres, ces autres qui ont plus, qui sont mieux, qui font différemment…
27/02/23
« Tu ne maudiras pas un sourd, tu ne mettras pas d’obstacle devant un aveugle :
tu craindras ton Dieu. Je suis le Seigneur. Quand vous siégerez au tribunal, vous ne commettrez pas d’injustice ; tu n’avantageras pas le faible, tu ne favoriseras pas le puissant : tu jugeras ton compatriote avec justice. Tu ne répandras pas de calomnies contre quelqu’un de ton peuple, tu ne réclameras pas la mort de ton prochain. » (Lv 19, 1-2. 11-18)
Ce texte appelle chacun de nous et l’humanité tout entière à veiller à ce que chaque être ait accès aux besoins les plus fondamentaux. Droit à une alimentation saine, partage de l’eau devenue précieuse. Pouvoir se vêtir, se loger, se soigner, faire l’objet d’une justice équitable. Se sentir accueilli avec bienveillance…
Ces paroles qui ont traversé les millénaires sont toujours d’actualité parce que la condition de l’homme doit primer sur toute autre considération et en particulier sur celle du profit économique ou de la surconsommation. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les priorités actuelles pour lesquelles nous nous investissons.
28/02/23
« Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé ». (Mt 6, 7-15)
S’imaginer qu’à force de rabâchage de mots nous serions exaucés relève d’une forme de superstition. Grâce à des formules ou des rites nous pensons que la magie va opérer. Nous considérons alors Dieu comme un distributeur de grâces dans lequel il suffit d’introduire une pièce ou un billet sous forme d’une prière récitée, d’un chapelet, d’une messe du dimanche…
D’autres pensent que Dieu sait ce dont nous avons besoin et qu’il n’est donc pas besoin de lui demander. « La balle est dans son camp » et c’est à lui de faire quelque chose pour moi. Ces représentations de Dieu nous empêchent in fine de nouer une relation d’amitié et de simplicité avec celui qui peut nous sortir de notre sentiment à la fois de toute-puissance et d’impuissance.
1/03/23
Que passe la charrue
Sur nos landes rebelles,
Sur nos terres en friche !
La Parole ira s’y planter,
Promesse pour le pauvre,
Et pauvreté offerte au riche.
Au feu tout le bois mort,
Que la flamme s’étende
Aux chardons, aux épines !
Et leurs cendres pourront servir
À féconder la terre
Où la Parole prend racine. (Hymne : que passe la charrue)
Mais pour que la Parole prenne racine, pour qu’elle soit entendue, il faut du silence. Du silence pour pouvoir s’entendre, pour pouvoir entendre l’autre, l’Autre. Pour entendre, il nous faut donc nous mettre à l’écart des bruits extérieurs, débrancher tout ce qui pourrait rompre le silence. Chercher, trouver le silence, c’est prendre conscience de notre vie intérieure, c’est entrer dans un vide qui nous laisse face à nous-même. Et si nous expérimentions 5 minutes de silence chaque jour ? C’est une rencontre avec nous-même qui permet à la Parole de prendre racine.
2/03/23
« Le temps du jeûne t’offrira La part obscure de nous-mêmes. Tes mains, captives sur la croix, dénouent les liens de nos ténèbres. Ne laisse pas, au long du jour, nos vies manquer à la lumière ; Recharge-les du poids d’amour qui les entraîne vers le Père ». (Hymne : Ami des hommes, Jésus Christ)
Et écoutons également la parole de Pablo Neruda lorsqu’il dit : « Il meurt lentement celui qui devient esclave de l’habitude, refaisant tous les jours les mêmes chemins, celui qui ne change jamais de repère, ne se risque jamais à porter une nouvelle couleur ou qui ne parle pas à un inconnu… Il évite la mort celui qui se rappelle qu’être vivant requiert un effort bien plus important que le simple fait de respirer. »
3/03/2023
« Rejetez tous les crimes que vous avez commis, faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. » (Ez 18, 31)
Le patriarche Athénagora nous dit que la guerre la plus difficile à mener est celle contre soi-même. Pour cela, il nous faut nous désarmer. Nous désarmer de notre volonté d’avoir raison, de nous justifier en dénigrant les autres, de notre peur de perdre nos richesses. Se désarmer, se désencombrer éloignent de nous la peur de perdre. Et l’esprit nouveau est un esprit de liberté.
4/03/2023
« … car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5, 43-48)
Apprendre à aimer ceux que nous n’aimons pas c’est apprendre à nous opposer à notre propre fermeture. C’est chercher à voir du positif chez l’autre, là où nous avons juste tendance à penser qu’il est nul ou qu’il ne mérite pas d’être aimé. C’est un apprentissage qui peut nous ouvrir le cœur et le regard, qui peut nous inviter à apprivoiser le positif et qui peut véritablement nous apprendre à aimer.
5/03/2023
« De la terre il tire son pain : le vin qui réjouit le cœur de l’homme, l’huile qui adoucit son visage, et le pain qui fortifie le cœur de l’homme. » (Ps 103 – II)
Ce psaume est là pour nous rappeler les beautés de la nature et la manière dont cette nature vient nous combler. La richesse de la terre nourrit nos corps et nous fortifie. Dans le même temps, cette nature suscite des convoitises, développe l’appât du gain et nous laisse croire qu’elle est intarissable. Avons-nous conscience que lorsque nous ouvrons le robinet, l’eau qui en jaillit est précieuse parce qu’elle se fait de plus en plus rare selon les contrées et les saisons ? Sommes-nous attentifs à notre manière de consommer des produits qui viennent de plus ou moins loin ? Savons-nous résister à l’attrait de ce qui est neuf, à la soif du dernier modèle ?…
6/03/2023
En quels pays de solitude,
Quarante jours, quarante nuits,
Irez-vous, poussés par l’Esprit ?
Qu’il vous éprouve et vous dénude ! (Hymne : En quels pays de solitude)
Ce sont bien les épreuves qui nous qui confrontent à nos comportements, qui ébranlent nos certitudes et qui finalement nous font tomber de notre piédestal de bon samaritain. Et quel meilleur témoignage que celui de Charles de Foucauld qui voulait conquérir (ou évangéliser) les âmes sans une véritable rencontre avec les hommes. Et ce n’est que par l’expérience de la maladie et de la dépendance qu’il a pu se laisser rencontrer par ceux qui vivaient autour de lui. Apprendre à accepter l’aide c’est reconnaître que l’Autre existe pour nous et avec nous.
7/03/2023
« Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi ». (Mt 23, 1-12)
Que d’énergie dépensée à se mettre en avant, à être vu et, de fait, à tenter d’écraser l’autre. Alors qu’un peu d’humilité nous permettrait de prendre notre part certes mais aussi de respecter la part de l’autre. Il ne s’agit pas de se penser moins bien que l’autre, mais de se montrer tel que l’on est, avec ses forces et ses faiblesses et considérer l’autre aussi dans ses forces et ses faiblesses, ni plus haut, ni plus bas que nous.
8/03/2023
« Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande. Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » (Mt 20, 17-28)
Jacques et Jean, à l’image de chacun de nous, pensent que quelque chose leur est dû, qu’ils méritent une place « devant » les autres. Et, de surcroît, ils n’osent le demander eux-mêmes et laissent leur mère faire cette requête. Mais nous oublions souvent que le fait d’être devant, le fait d’avoir le pouvoir ou l’autorité, engendre des devoirs, des responsabilités, sauf à le détourner à notre profit personnel. Le pouvoir ou l’autorité, tel que décrit dans les Evangiles, est un service que nous avons à accomplir sans nous préoccuper de récompenses éventuelles mais dans un véritable souci de gratuité.
9/03/2023
Que tombe sur nos sols
De poussière et de roche
Une pluie généreuse !
On verra les feuilles pointer
Et les bourgeons éclore
De la Parole qui nous creuse.
Advienne le soleil
Et vers lui que s’élance
La poussée de la sève ! (Hymne : que passe la charrue)
Belle réflexion de carême qui laisse espérer le printemps, l’éveil de la nature et peut-être aussi l’éveil de notre humanité. Imaginons le jardin, si bien décrit dans la Genèse, dans lequel a pris naissance l’humanité. Imaginons le jardin de Gethsémani où Jésus a surmonté sa peur. Méditons sur notre propre manière d’observer le passage de l’hiver au printemps. Sommes-nous en mesure de voir les premiers bourgeons sur les arbres et demandons-nous si nous prenons vraiment soin des bourgeons de vie qui tentent d’éclore en nous.
10/03/2023
« Israël, c’est-à-dire Jacob, aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il était le fils de sa vieillesse, et il lui fit faire une tunique de grand prix. En voyant qu’il leur préférait Joseph, ses autres fils se mirent à détester celui-ci, et ils ne pouvaient plus lui parler sans hostilité. » (Gn 37, 3-4)
La peur d’être moins aimé, moins reconnu que d’autres, la jalousie qui va, parfois, jusqu’à la haine… sont autant de sentiments qui peuvent nous agiter. Craindre ces sentiments serait une manière de les nier. Il importe au contraire d’en prendre conscience, de regarder en face ces sentiments qui nous agitent pour éviter de les transformer en sources de conflit. Par ailleurs, lorsque nous tendons à nous comparer à d’autres, nous nions le principe de différence qui veut que chaque être soit unique. Convoiter ce que possède l’autre, envier ce qu’est cet autre m’empêche de voir réellement ce que je suis et ce que je possède. Ainsi, je me renie pour vouloir être cet autre, prendre sa place, entrer en possession de ce que cet autre possède.
Expérimentons plutôt la joie de voir ce qui rend les autres heureux et méditons sur ce qui, en nous, peut nous rendre heureux.
11/03/2023
« Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! » (Lc 15, 1-3, 11-32)
Dans ce récit, un des fils a décidé de s’éloigner de toute contrainte avant de choisir de revenir vers plus de sens. L’autre fils s’est conforté dans un rôle de serviteur par devoir, probablement jaloux de la liberté qu’a pris son frère, puis jaloux de l’accueil que le père fait à ce fils revenu. Il s’enferme dans des calculs de mérite. Il se pense plus méritant que son frère des attentions du père. Arc bouté au principe de « après tout ce que j’ai fait pour toi » il attend une reconnaissance qui, probablement, ne lui suffira jamais. C’est la nuance ténue entre être serviteur pour être aimé et être serviteur par amour de l’autre.
12/03/2023
« En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif.
Il récrimina contre Moïse et dit : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » (Ex 17, 3-7)
La problématique écologique n’est plus à démontrer. Une accumulation énorme des richesses vient s’opposer à une finitude des ressources vitales de la terre (eau, air, énergies fossiles…). Même si, comme le dit Dany-Robert Dufour (in L’individu qui vient après le libéralisme), nous savons que la planète est en danger, il nous importe de satisfaire nos besoins individuels sans vouloir renoncer aux richesses que nous voulons continuer à croire illimitées. Et la politique de consommation est une concurrence redoutable face à l’apprentissage de la maîtrise des pulsions/passions. Et comme le relève l’auteur, l’univers marchand, comme les écrans, font perdre aux personnes la connexion aux sens vitaux (voir, entendre, sentir, toucher, goûter). Ils annihilent notre volonté. A chacun de réfléchir sur ses propres pratiques de consommation.
13/03/2023
« Je m’étais dit : Sûrement il va sortir, et se tenir debout pour invoquer le nom du Seigneur son Dieu ; puis il agitera sa main au-dessus de l’endroit malade et guérira ma lèpre ». (2 R 5, 1-15a)
Parfois, nous nous représentons Dieu comme le grand magicien qui, par des actions éclatantes, va faire des miracles sans que nous ayons à nous engager. Nous attendons le signe qui correspond à nos attentes, le signe qui, selon notre propre logique, devrait résoudre une situation compliquée. Et, de ce fait, nous passons à côté de tous ces signes qui jalonnent notre route et qui sont autant de repères pour sortir d’un sentiment de découragement ou d’échec et d’entrevoir la lumière de la guérison. Peut-être est-ce l’occasion de relire ces signes, ces mains tendues qui nous ont aidé à surmonter des épreuves et qui nous aident encore aujourd’hui.
14/03/2023
« Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents
(c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait :“Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.” Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette ». (Mt 18, 21-35)
Nous sommes loin ici des comportements sociétaux actuels où la puissance de l’argent est source de violence pour l’homme. Les riches deviennent plus riches et les pauvres sont écrasés sous le poids des factures et des dettes. L’appât du gain fait taire toute velléité de compassion. Peut-être pouvons-nous nous interroger sur notre propre relation à l’argent et à l’usage que nous en faisons.
15/03/2023
Dépouillez-vous ! Quand vous mourrez, vous perdrez tout !
Suivez votre exode à l’avance !
Tombe la mort ! Tombe le soir ! …
… Le jour viendra
Où le désert refleurira
Et l’ombre rendra la lumière !
Traversez-les ! (Hymne : Venez au jour !)
Revient ainsi la question de l’avoir et/ou de l’être. Yves Duteil décline cette opposition dans sa chanson du même titre : « Ce qu’Avoir aurait voulu être, Etre voulait toujours l’avoir. A ne vouloir ni dieu ni maître, le verbe Etre s’est fait avoir. Son frère Avoir était en banque et faisait un grand numéro, alors qu’Etre, toujours en manque souffrait beaucoup dans son ego… ». A nous de réfléchir sur cet équilibre parfois fragile, parfois précaire entre l’Avoir et l’Etre qui nous habitent.
16/03/2023
« Après cela, Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance. Il prit la parole et dit : « Périssent le jour qui m’a vu naître et la nuit qui a déclaré : “Un homme vient d’être conçu !” Ce jour-là, qu’il soit ténèbres ; que Dieu, de là-haut, ne le convoque pas, que nulle clarté sur lui ne resplendisse ! Que le revendiquent ténèbres et ombre de mort, qu’une nuée sur lui repose, que les éclipses l’épouvantent ! Cette nuit-là, que l’obscurité s’en empare, qu’elle ne s’ajoute pas aux jours de l’année, qu’elle n’entre pas dans le compte des mois ! Oui, que cette nuit soit stérile, que nul cri d’allégresse n’y résonne ! » Jb 3, 1-8)
Devant tant de détresse me viennent simplement à l’esprit ces quelques mots : « Peut-on aimer la Vie – aimer tout court – sans en être blessé ? Blessures peut-être nécessaires pour pratiquer en nous la brèche indispensable à une irruption totale de la vie. » (Paul Baudiquey). Et si nous sommes debout aujourd’hui, c’est bien qu’une force intérieure nous a aidé et nous aide à surmonter blessures et détresses.
17/03/2023
En traversant l’âge du monde,
Cherche ton souffle dans l’Esprit ;
Va, puise dans ton héritage
Et, sans compter, partage-le ;
Gagne l’épreuve de cet âge, (Hymne : N’aie pas de honte)
« Et lorsque nous sommes arrivés au terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n’est-il pas vrai que nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit ? Combien d’heures l’on y passe ! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner et à qui ! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l’on veut donner puisqu’il ne nous en reviendra rien en aucun cas ? Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement ; jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu’à l’heure où, l’intérêt n’existant plus, seule l’idée du bien se dresse devant notre regard. » (SENEQUE, Les Bienfaits)
18/03/2023
« Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres homme – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » (Lc 18, 9-14)
Le pharisien s’octroie tous les mérites de ce qu’il pense être et de ce qu’il fait de bien. Il en devient arrogant avec un besoin fort de se comparer aux autres et de les critiquer, manière pour lui probablement de se rassurer ou d’être rassuré. Il se pense juste en obéissant à ce qu’il croit être les attentes de Dieu. Mais il doit clamer sa valeur pour être sûr d’être remarqué, reconnu. Sa prière n’est donc pas une demande d’aide mais une confirmation de sa propre perfection. A notre tour, regardons notre prière, non pas en termes de quantité ou d’énumération de nos qualités, mais en terme de qualité où humblement nous acceptons de reconnaître nos faiblesses et notre besoin de nous améliorer.
19/03/2023
« N’est-ce pas un temps de corvée que le mortel vit sur terre, et comme jours de saisonnier que passent ses jours ? Comme un esclave soupire après l’ombre, et comme un saisonnier attend sa paye, ainsi des mois de néant sont mon partage et l’on m’a assigné des nuits harassantes ». (Jb 7, 1-3)
Les moments de désespoir ressentis en traversant des épreuves peuvent parfois être considérés comme des lâchetés par des personnes extérieures à l’épreuve. N’entend-on pas parfois dire « il faut qu’elle arrête de s’écouter » ou encore, « il faut qu’elle prenne sur elle ». Paul Baudiquey leur répondrait alors que seuls ceux qui ont traversé ces moments de désespoir ont le droit de parler. Et c’est bien ceux-là même qui peuvent comprendre et qui savent que ce sont nos blessures qui nous rendent plus humaines et qui nous font véritablement aimer la vie. A chacun de relire ses propres blessures afin de mieux les considérer comme autant de sources de vie.
20/03/2023
Comme autrefois ton souffle
Dans la mer fit une route,
Quand nous submerge le doute,
Dans l’impossible ouvre une issue. (Hymne : Comme le feu calcine)
Le doute nous ouvre un chemin vers la foi. Croire sans savoir, sans être sûr mais croire quand même et si, parfois, le doute nous assaille, nous pouvons nous accrocher à notre foi. Dans une chronique de Frédéric Boyer je lis : « J’avoue avoir beaucoup de difficultés à me débarrasser de ma propre faiblesse, de mon inquiétude et du doute que j’éprouve. Dans ma vie spirituelle, il m’arrive de faire l’expérience de la peur sans nom liée à une opacité totale et soudaine. » (La Croix, 27/06/2019). Il s’agit alors, tel un naufragé, de saisir la main tendue et de croire l’issue possible.
21/03/2023
Jésus, le voyant couché là, et apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps, lui dit : « Veux-tu être guéri ? » Le malade lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau bouillonne ; et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi. » (Jn 5, 1-16)
A la question « Veux-tu être guéri ? » le malade ne dit pas oui mais répond par la plainte. Il se plaint des autres qui l’empêchent de guérir. Il accuse les autres de l’empêcher de vivre sa vie. Il est parfois plus confortable de rester tel que nous sommes, à subir nos handicaps et nos peurs d’avancer, peur du changement. Guérir impliquerait de quitter des habitudes qui, même si elles ne sont pas confortables, peuvent rassurer par leur familiarité. C’est l’occasion pour chacun de nous de méditer sur notre attitude face à nos habitudes et face au changement. Un objet doit-il toujours être à la même place ? Une routine des rencontres s’est-elle imposée dans ma vie ? Dans le travail ou toute activité, suis-je capable d’expérimenter quelque chose de nouveau ?…
22/03/2023
« Il y avait un ramassis de gens qui était mêlé au peuple ; ceux-ci furent saisis de convoitise. Même les fils d’Israël se remirent à pleurer : « Ah ! qui donc nous donnera de la viande à manger ? Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! » (Nb 11, 4-6)
Le manque crée en nous un sentiment d’insatisfaction et ce sentiment peut à son tour entraîner un sentiment de désolation. Désolation comme une forme de désespérance de la vie, de misère intérieure sur laquelle nous ruminons jusqu’à nous enfoncer encore. C’est bien dans ces moments de doute extrême qu’il nous faut faire mémoire de tout ce qui a été et est encore bon dans notre vie pour espérer que la manne puisse à nouveau se transformer en festin et nous apporter consolation.
23/03/2023
« Une irritation injuste ne pourra se justifier, car le mouvement de celui qui s’irrite l’entraine à sa perte. Jusqu’au bon moment l’homme patient tiendra bon et ensuite la joie lui sera rendue » (Si 1, 22-24)
Je rappellerai volontiers quelques vers de Paul Valéry : « Patience, patience, patience dans l’azur ! Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr ! » Ainsi, la patience est nécessaire pour ne pas arracher le fruit avant qu’il ne soit arrivé à maturation. Se poser et réfléchir avant d’agir permet d’atténuer l’irritation, voire la colère, et de retrouver la joie d’une paix intérieure.
24/03/2023
« Ne te fais pas mauvais visage à toi-même, n’aie pas honte au point de tomber. Ne t’interdis pas de parler quand il le faut. Au discours on reconnaîtra la sagesse, l’instruction aux paroles de la langue. N’argue pas contre la vérité, sois confus de ton ignorance. N’aie pas honte d’avouer tes erreurs, ne prétends pas t’opposer au cours d’un fleuve » (Si 5, 22-26)
Une de nos grandes faiblesses est de vouloir paraître et faire en fonction de ce que nous pensons que les autres attendent de nous. Et je me souviens de ce conte où un paysan traverse le village assis sur un âne et son fils marche à côté. Les villageois s’offusquent que le père oblige son fils à marcher. Le lendemain, le père marche tandis que le fils est assis sur l’âne et les villageois de récriminer qu’il n’y a aucun respect pour les anciens. Enfin, le troisième jour, père et fils sont assis sur l’âne et les villageois de plaindre l’âne en surcharge. Ainsi, quoi que nous fassions, il y aura toujours des critiques ou des incompréhensions. Alors, le plus simple est encore de faire en fonction de ce que nous sommes et de ce que nous ressentons comme juste.
25/03/2023
« Pourquoi ce tumulte des nations,
ce vain murmure des peuples ?
Les rois de la terre se dressent,
les grands se liguent entre eux » (Ps 2)
Nelson Mandela, dans son discours d’investiture rappelle que « notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute limite ». En effet, celui qui a le pouvoir a aussi la responsabilité des personnes qu’il dirige. Le pouvoir peut être une arme redoutable pour écraser ou affaiblir tout ce qui pourrait mettre en péril ce pouvoir. Mais il peut être aussi une arme bénéfique pour permettre à d’autres de s’élever. A chacun de nous de regarder sa manière propre d’exercer le pouvoir ou l’autorité sur des personnes qui gravitent autour de nous.
26/03/2023
« Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » (Jn 11, 1-45)
La lumière est importante parce qu’elle éclaire le monde autour de nous. Elle nous permet de voir les visages qui nous entourent, de voir les obstacles qui pourraient nous faire trébucher. Elle nous permet de vivre sous le regard des autres. Et c’est parfois cette crainte d’être vu qui peut nous faire préférer les ténèbres. Marcher vers la lumière, c’est oser regarder nos côtés sombres qui auraient besoin d’être travaillés. Quels sont ces obscurités que nous portons en nous et qui freinent parfois l’accès à la lumière ? Mais aussi, quels sont nos rayonnements qui nous entraînent à partager la lumière ?
27/03/2023
« Mon fils, que tes occupations ne soient pas trop nombreuses, si tu les multiplies, tu ne resteras pas indemne ; même si tu cours, tu n’arriveras pas, et tu ne t’échapperas pas par la fuite » (Si 11, 10)
Le surbooking semble être la maladie de notre siècle. Comme si seul un agenda bien rempli nous donnait l’impression d’exister, d’être utile, d’être reconnu. Se sentir important à en faire beaucoup jusqu’à en faire trop. Et, à force de courir après le temps nous en oublions de profiter de l’instant présent, cet instant qui, en dehors de toute activité, devrait nous murmurer qu’il nous faut ralentir pour véritablement goûter la vie au présent.
28/03/2023
« Je vois encore sous le soleil que la course n’appartient pas aux plus robustes, ni la bataille aux plus forts, ni le pain aux plus sages, ni la richesse aux plus intelligents, ni la faveur aux plus savants, car à tous leur arrivent heur et malheur. En effet, l’homme ne connaît pas plus son heure que les poissons qui se font prendre au filet de malheur » (Qo 9, 11-12)
Cela nous rappelle que le risque zéro n’existe pas et qu’en cela nous sommes tous égaux. Nous sommes égaux aussi dans cette peur de perdre la vie. Nous ne supportons pas d’être mortels. C’est peut-être ce qui pousse certains à penser que l’euthanasie serait une solution miracle où chacun pourrait alors décider de l’échéance de sa propre vie. Comme si le pouvoir de décider du moment de sa mort anéantissait la peur de la mort elle-même, comme si cela pouvait se transformer en un pouvoir sur la vie.
29/03/2023
« Douce est la lumière, c’est un plaisir pour les yeux de voir le soleil. Si l’homme vit de nombreuses années, qu’il se réjouisse en elle toutes, mais qu’il se souvienne que les jours sombres sont nombreux, que tout ce qui vient est vanité ». (Qo 11, -8)
La perspective du vieillissement et de la mort peut assombrir le paysage de la vie. Mais n’est-ce pas aussi un appel à vivre au présent, à croire en la vie ? N’est-ce pas plus intéressant de se réjouir’ de ce que l’on a plutôt que que de s’attrister de ce que l’on perd. La maladie, le vieillissement font peur et les limites qu’ils génèrent sont ressenties comme autant de freins à notre liberté. Apprenons donc à nous réjouir de ce qu’il nous est donné de faire malgré nos limites plutôt que de pleurer sur ce que nous ne pouvons plus faire. Et la lumière sera alors à nouveau douce pour nos yeux.
30/03/2023
« Quel profit y a-t-il pour l’homme de tout le travail qu’il fait sous le soleil ? Un âge s’en va, un autre vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève et le soleil se couche, il aspire à ce lieu d’où il se lève. Le vent va vers le midi et tourne vers le nord, le vent tourne, tourne et s’en va, et le vent reprend ses tours. Tous les torrents vont vers la mer et la mer n’est pas remplie » (Qo 1, 3-8)
Quel profit l’homme tire-t-il d’une vie de travail ? Quel que soit son succès au travail, quelle que soit sa productivité, son degré d’inventivité et de réalisation d’œuvres importantes, rien n’a de valeur durable. Aucune activité ne parvient à changer l’ordre fondamental de la création. L’homme ne dure pas alors que le monde et la nature continuent à exister de manière immuable. La vanité réside alors dans le fait de vouloir conquérir le monde, de se penser indispensable, de refuser de penser que la terre ne nous appartient pas, voire même de renoncer à se croire mortel… Prenons conscience qu’il nous faut vivre pleinement cette période de vie certes éphémère mais où il nous est donné d’apporter notre pierre à l’édifice en toute humilité.
31/03/2023
« De même que les foules ont été horrifies à son sujet, à ce point détruite, son apparence n’’était plus celle d’un homme, et son aspect n’était plus celui des fils d’Adam » Is 52, 14)
Toute la question est de savoir quelles seraient les conditions pour que nous soyons capables de voir l’humain dans une personne. Beauté, richesse, grands discours, pouvoir, séduction… sont souvent les critères qui nous permettent d’admirer une personne. Mais que cette personne perde la beauté, la santé, la richesse… et nos regards se détournent alors. Je crains que les réflexions qui tournent autour de l’euthanasie ne soient parfois entachées par l’idée que l’apparence d’un malade ou d’un mourant « n’était plus celle d’un homme » et que, de ce fait, il est condamné à mourir. Peut-être pouvons-nous nous remémorer les visages qui ont traversé et qui traversent encore notre histoire et tenter de mettre des mots sur les mouvements intérieurs qui ont alimenté ces rencontres et qui peuvent osciller selon les périodes de notre vie.
1/04/2023
« En ces temps-là, on pouvait les compter :
c’était une poignée d’immigrants ;
ils allaient de nation en nation,
d’un royaume vers un autre royaume ». (Ps 104, 12-13)
Ces versets nous renvoient à une actualité brûlante, l’accueil du migrant, de l’étranger. Cet étranger qui risque de nous déranger dans nos certitudes et surtout, qui risque de nous faire prendre conscience de notre propre condition d’étranger. Nous sommes tous des étrangers les uns vis-à-vis des autres, par le simple fait que nous sommes différents. Ouvrir sa porte à l’autre, c’est se laisser accueillir par une vie différente, une autre culture, un autre regard sur la vie et c’est donc accepter de se laisser transformer par cette différence et faire naître une rencontre partagée.
2/04/2023
« Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples dirent de même. » (Mt 26, 14-27, 66)
Pierre est convaincu de sa force. Comme nous le sommes parfois ou souvent aussi. « Jamais je ne ferai ceci, jamais je ne te laisserai tomber… ». Nous sommes persuadés que cela ne nous arrivera pas. Et pourtant ? Qui n’a pas, dans un moment de découragement ou de désolation, renoncé à suivre ses convictions, renié ses valeurs, fait la sourde oreille face à l’appel d’un ami… En effet, c’est dans des moments de fragilité physique ou psychique que nous sommes en danger de reniement. Alors prenons l’habitude de nous entourer d’amis qui peuvent nous servir de garde-fou dans les moments de grande fragilité. Acceptons qu’ils puissent nous dire leur inquiétude vis-à-vis de certaines de nos réactions.
3/04/2023
« Si des méchants s’avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires, qui perdent pied et succombent. Qu’une armée se déploie devant moi, mon cœur est sans crainte ; que la bataille s’engage contre moi, je garde confiance ». (Ps 26 (27))
Il ne s’agit pas de toute puissance ou d’inconscience mais de se savoir vulnérable et de croire en l’aide des autres. Un missionnaire d’Afrique, Bernard Ugeux, nous parle de cette vulnérabilité comme d’une prise de risque de se laisser atteindre, blessé ou même déstabilisé. Mais il ajoute que le fait d’oser se montrer vulnérable permet aux autres d’exposer à leur tour leur propre fragilité. Pour autant, pour oser se montrer vulnérable, il faut avoir été soi-même blessé et d’avoir puiser la force pour se reconstruire et de se laisser guérir par la présence des autres. C’est donc accepter de se laisser aimer.
4/04/2023
« Passe le temps de la cendre et de l’ombre, vienne le temps d’aimer. Passe le temps des cyprès et des tombes, vienne le temps d’aimer. Ne craignez point les corbeaux ni la neige qui vous viendront picorer. L’or et l’argent ne sont point de cortège quand il faut s’en aller en paradis ». ( D. Rimaud, Vienne le temps d’aimer)
Voici quelques vers de Victor Hugo (Les Contemplations) qui confirment en quelque sorte l’importance de l’amour dans nos vies.
… Aimons toujours ! aimons encore !
Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit.
L’amour, c’est le cri de l’aurore,
L’amour, c’est l’hymne de la nuit.
Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l’astre dit aux nuages,
C’est le mot ineffable : Aimons !
L’amour fait songer, vivre et croire.
Il a, pour réchauffer le cœur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon, c’est le bonheur !
Cette loi sainte, il faut s’y conformer.
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !
5/04/2023
« En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. » (Mt 26, 14-25)
Il nous arrive à tous de pratiquer de petites trahisons ou de nous sentir trahi. Avoir honte d’un ami et faire comme si on ne le connaissait pas, trahir nos valeurs pour obtenir des avantages, se sentir déçu, voire abandonné par un ami ou même par l’Eglise… Relisons nos propres moments de trahison, quelle en était la motivation ? quelles ont été nos réactions ? Quelle est notre capacité à pardonner ou à accepter un pardon ?
6/04/2023
« Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture ». (Jn 13, 1-15)
Accepter que d’autres fassent notre toilette est une situation plus fréquente qu’on ne le pense. Certaines personnes handicapées ou malades peuvent trouver humiliant de se faire laver. Et pour autant, elles sont obligées de ravaler leur fierté et d’accepter. Il y a donc tout un chemin d’humilité qui doit se faire pour que la personne accepte de se laisser laver les pieds. Dans le même temps, cette scène nous rappelle que celui qui lave se met au service de l’autre avant de chercher son propre confort. Nous pouvons alors méditer sur notre propre manière de rendre service, dans quel but, dans quelle disposition d’esprit.
7/04/2023
« Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien ». (IS 52, 13-53).
Nous nous laissons souvent attirer par la beauté physique sans chercher à découvrir la vie intérieure d’une personne. Madeleine Delbrêl, l’a bien perçu lorsqu’elle dit « Côte à côte à un arrêt d’autobus cet homme tatoué – pratique alors des seules classes populaires – et cette petite dame proprette sont éloignés comme deux continents… Plus loin, dans un train de banlieue, une demi-douzaine de filles et de garçons s’entasse sur trois places et mène un beau vacarme ». Et c’est ainsi qu’elle nous entraîne à regarder avec ses yeux comment les personnes se divisent en différentes catégories qui, au mieux, s’ignorent et, au pire, se combattent.
8/04/2023
« La Sagesse brille et ne se flétrit pas, elle se laisse voir aisément par ceux qui l’aiment et trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance ceux qui la désirent, en se faisant connaître la première. Quiconque part tôt vers elle ne se fatiguera pas : Il la trouvera assise à sa porte. Se passionner pour elle, c’est la perfection du discernement. Et quiconque aura veillé à cause d’elle sera bientôt sans inquiétude, car, de son côté, elle circule en quête de ceux qui sont dignes d’elle, elle leur apparaît avec bienveillance sur leurs sentiers et, dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre. » Sg 6, 12-16)
La Sagesse crée un double mouvement. Nous la recherchons et elle nous devance, elle nous attend. C’est dans ce mouvement que la rencontre est assurée. Ainsi, lorsque nous sommes dans une phase de soumission, lorsque nous avons l’impression de subir notre vie, n’hésitons pas à faire appel à la Sagesse qui viendra réveiller notre volonté d’agir et de prendre les bonnes décisions. Mais, pour cela, il nous faut, dans les bons moments, faire provision de petits bonheurs qui nous portent. Cette provision nous permettra de ranimer la flamme de l’espoir quand il y en aura besoin.
9/04/2023
« Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau !
Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? » (Is 55, 1-11)
Ce passage m’évoque la gratuité de l’hospitalité. Ouvrir sa porte à la rencontre. Devenir l’hôte de l’hôte puisque celui qui accueille et celui qui est accueilli ont la même appellation. Apprendre à s’accueillir mutuellement sans tenir compte du statut social, de la culture, des croyances. Manière de s’exposer soi au regard de l’autre et réciproquement. Christoph Théobald ajoute que la réciprocité ne peut naître que si la symétrie est vécue et si nous acceptons de livrer quelque chose de nous-même pour que cela invite l’autre à faire de même (Christus Hors série n°254). C’est bien le principe du verre d’eau offert, dans certains pays, à la personne qui vient frapper à notre porte.